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25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 16:58

  Poésie du Jeudi chez les Croqueurs de mots,  thème " Soyez sulfureux" pour Nounedeb  

La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux Voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! "

Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver.

    

 Charles Baudelaire  (Les épaves – VII) 

 

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 00:00

 Jeudi en Poésie chez les Croqueurs de Mots, thème libre pour Jill-Bill 

 

crete-174.JPG

 

II saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son coeur pur, son corps léger comme un vêtement d'été. Il n'emporte point de provisions. Il boira l'air frais en route et reniflera les odeurs salubres.
Il laisse ses armes à la maison et se contente d'ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s'emprisonnent d'elles-mêmes.
La première qu'il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.
Il prend ensuite l'image de la rivière. Elle blanchit aux coudes et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d'argent, et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.
Il lève l'image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d'une alouette ou d'un chardonneret.
Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats. Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur, et, pour qu'il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.
Bientôt, vibrant jusqu'au malaise, il perçoit trop, il fermente, il a peur, quitte le bois et suit de loin les paysans mouleurs regagnant le village.
Dehors, il fixe un moment, au point que son oeil éclate, le soleil qui se couche et dévêt sur l'horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.

 

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 16:03

 

 

Poésie du Jeudi chez les Croqueurs de Mots, thème La Gourmandise proposé par Jill Bill 

 

 

Sur la nappe ouvragée où le festin s’exalte,

La venaison royale alterne aux fruits des îles ;

Dans les chypres et les muscats de Rivesalte,

Endormeur des soucis, ô Léthé, tu t’exiles.

 

- Mais l’antique hippogriffe au vol jamais fourbu,

M’a porté sur son aile à la table des dieux ;

Et là, dans la clarté sidérale, j’ai bu,

A pleine urne, les flots du nectar radieux.

 

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21 octobre 2010 4 21 /10 /octobre /2010 10:37

Poésie du Jeudi chez les Croqueurs de Mots, sur le thème du temps  pour Harmonie  

Marennes-Plage--4-.JPG

                                                                

  Les bancs sont prisonniers

Des chaînes d’or du mur

Prisonniers des jardins où le soleil se cache

Près de la forêt vierge

De la prairie étale

Du pont qui tourne à pic

Dans l’angle le plus droit

La boîte des nuages s’ouvre

Et tous les oiseaux blancs s’envolent à la fois

Tapis plus vert que l’eau plus doux que l’herbe

Plus amer à la bouche et plus plaisant à l’œil

Les arbres à genoux se baignent

L’air est calme et plein de sommeil

La lumière s’abat

Le jour perd ses pétales

Plus haut c’est tout d’un coup la nuit

Les regards entendus

Et le clignement des étoiles

Les signes

Par-dessus les toits

 

     (La Guitare endormie, in Plupart du temps, poèmes, 1915-1922)

 

 

Pierre Reverdy (1889-1960) Né à Narbonne, fait ses études à Toulouse, puis dans sa ville natale. En 1910, il  monte à Paris et se lie d’amitié avec  Picasso, Braque, Matisse, Max Jacob,  Guillaume , Apollinaire, et écrit des poèmes qui seront à l’origine du Surréalisme. « La Lucarne Ovale » 1916 « Les ardoises du toit » 1918, « La Guitare endormie » 1919, « Cœur de chêne » 1922, « Les Epaves du ciel », 1924.

Pour Pierre Reverdy, la nature de l’image poétique est l’association « du plus distant » au « plus réel ».En 1917, paraît le premier numéro de sa revue « Nord-Sud »titre inspiré par la ligne de métro reliant Montmartre à Montparnasse ouverte en 1910, à laquelle collabore les poètes du dadaïsme. puis du surréalisme. En 1926, il choisit Dieu et se retire près de l’abbaye de Solesmes, il a alors 37 ans et y reste jusqu’à sa mort, à 71 ans en 1960. Là sont nés ses plus beaux recueils, tels Sources du vent, Ferraille, Le Chant des morts..

Les poèmes de Pierre Reverdy expriment avec une rare densité, le drame de l’homme aux prises avec le temps et l’écran de ses sensations.

 

 

 

 

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14 octobre 2010 4 14 /10 /octobre /2010 18:46

Poésie du Jeudi pour les Croqueurs de mots sur le thème du Temps proposé par Harmonie

 

Un  jour on démolira

ces beaux immeubles si modernes

on en cassera les carreaux

de plexiglas ou d’ultravitre

on démontera les fourneaux

construits à polytechnique

on sectionnera les antennes

collectives de télévision

on dévissera les ascenseurs

on anéantira les vide-ordures

on broiera les chauffoses

on pulvérisera les frigidons

quand ces immeubles vieilliront

du poids infini de la tristesse

des choses.

 

       Courir les rues , Gallimard, La Pleiade

 

 

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 10:09

Poésie du Jeudi pour les Croqueurs de mots sur un thème libre d'Olivier de Vaux

 

bresil3-279.JPG 

 

Je ressemble au torrent dont la course rapide

Se dérobe à soi-même et s’enfuit loin de soi.

Je suis de l’univers le tyran et le roi

Et de tous les humains le père et l’homicide.

 

Les forces de Milon et les forces d’Alcide

Ont tenté vainement de s’opposer à moi.

Les superbes Césars ont fléchi sous ma loi,

Et je n’entreprends rien que le ciel ne me guide.

 

Tout cède à mon pouvoir par force ou par amour ;

La lune et le soleil font la nuit et le jour,

Afin d’entretenir ma puissance suprême.

 

Fils aîné de nature, et ministre du sort,

Je conduis dans le monde et la vie et la mort,

Et, comme le Phénix, je renais de moi-même.*

 

 

*Le mot de cette énigme est le Temps.

 

 

Charles Cotin souvent appelé l’abbé Cotin, est né et mort à Paris (1604-1682) est un homme d’Eglise et poète français.

 

L’énigme est le nom général de trois sortes d’amusements littéraires très goûtés à certaines époques : l’énigme proprement dite, la charade et le logogriphe. Tous les trois offrent un mot à deviner, mais ouvrent à l’esprit qui le cherche des voies différentes.

 

L’énigme définit l’objet même du mot proposé en termes obscurs qui, réunis, ne conviennent qu’à lui seul, mais dont chacun désigne en même temps un objet différent.

Ces jeux d’esprit eurent une telle vogue au XVIIe siècle, qu’on publia un "Recueil des énigmes de ce temps" (Paris, 1646 ; Lyon, 1648) ; l’abbé Cotin avait mérité le surnom de Père de l’Enigme.

 

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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 17:10

Pour les Croqueurs de mots, sur le thème de l'automne initié par Eglantine   

 

 saumur-automne-027.JPG 

Fruits

 Dans les chambres des vergers

Ce sont des globes suspendus

Que la course du temps colore

Des lampes que le temps allume

Et dont la lumière est parfum

On respire sous chaque branche

Le fouet colorant de la hâte

Ce sont des perles parmi l’herbe

De nacre à mesure plus rose

Que les brumes sont moins lointaines

Des pendeloques plus pesantes

Que moins de linge elles ornent

Comme ils dorment longtemps

Sous les mille paupières vertes !

Et comme la chaleur

Par la hâte avivée

Leur fait le regard avide !

                       

Extrait de « Oiseaux, fleurs, fruits » du recueil  Airs, poèmes (1961-1964)

 

     

                  

 

"Le poète met l'accent sur la chaleur estivale, accablée par le frimas de l'automne, qui jette un "regard avide" aux fruits pour rappeler à l'homme le caractère éphèmère de chaque mouvement."

Philippe Jaccottet est né à Moudon dans le canton de Vaud, en Suisse, en 1925,. Il vit à Grignan dans la Drôme. L'oeuvre du poète est considérable. Elle puise son inspiration dans la contemplation du paysage de sa région. Son sujet préféré est l'homme dans son milieu naturel. Il est à la recherche de la parole, la plus juste possible. Le motif de la lumière est omniprésent dans son oeuvre. Phillipe Jaccottet a traduit Goethe, Hölderlin, Léopardi, Musil, Rilke, Thomas Mann, Ungaretti, aussi l'Odyssée d'Homère.

 

 

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9 septembre 2010 4 09 /09 /septembre /2010 17:22

 Poésie du Jeudi pour les Croqueurs de mots

 

Conjugaison de l’oiseau

 

J’écris (à la pie)

J’écrivais (au geai)

J’écrivis (au courlis)

J’écrirai (au pluvier)

J’écrirais (au roitelet)

Ecris ! (au sirli)

Que j’écrive (à la grive)

Que j’écrivisse (à l’ibis)

Ecrivant (au bruant)

Ecrit (au pipit)

 

                Luc Bérimont

                                                          La Poésie comme elle s’écrit

 

Textes réunis par Jacques Charpentreau -Editions  Ouvrières 1979

 

                                                                                                                                        

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2 septembre 2010 4 02 /09 /septembre /2010 12:00

 

Poésie du Jeudi pour les Croqueurs de mots sur le thème de l'école proposée

 par L'île de Lilie

 

Robert Doisneau 

Robert Doisneau 

 

J’écrirai le jeudi j'écrirai le dimanche
quand je n'irai pas à l'école
j'écrirai des nouvelles j'écrirai des romans
et même des paraboles
je parlerai de mon village je parlerai de mes parents
de mes aïeux de mes aïeules
je décrirai les prés je décrirai les champs
les broutilles et les bestioles
puis je voyagerai j'irai jusqu'en Iran
au Tibet ou bien au Népal
et ce qui est beaucoup plus intéressant
du côté de Sirius ou d'Algol
où tout me paraîtra tellement étonnant
que revenu dans mon école
je mettrai l'orthographe mélancoliquement

                                                                                                                    

                                                                                         

                                                  (Battre la campagne) - 1968

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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 14:15

  

 Pour les Croqueurs de mots, poésie du jeudi d’Aloysius Bertrand (1807-1841)

 

 

Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux,

Dès l’aube, à mi-coteau, rit une foule étrange :

C’est qu’alors dans la vigne et non plus dans la grange,

Maîtres et serviteurs, joyeux, s’assemblent tous.

 

A votre huis, clos encor, je heurte. Dormez-vous ?

Le matin vous éveille, élevant sa voix d’ange :

-          Mon compère, chacun, en ce temps-ci, vendange.

Nous avons une vigne : eh bien ! Vendangeons-nous ?

 

Mon livre est cette vigne, où, présent de l’automne,

La grappe d’or attend, pour couler dans la tonne,

Que le pressoir noueux crie enfin avec bruit.

 

J’invite mes voisins, convoqués sans trompettes,

A  s’armer promptement de paniers, de serpettes.

Qu’ils tournent le feuillet : sous le pampre est le fruit.

 

 

                                                                                  

                                (Œuvres poétiques)

 

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