Poésie du Jeudi chez les Croqueurs de Mots, sur le thème du temps pour Harmonie
Les bancs sont prisonniers
Des chaînes d’or du mur
Prisonniers des jardins où le soleil se cache
Près de la forêt vierge
De la prairie étale
Du pont qui tourne à pic
Dans l’angle le plus droit
La boîte des nuages s’ouvre
Et tous les oiseaux blancs s’envolent à la fois
Tapis plus vert que l’eau plus doux que l’herbe
Plus amer à la bouche et plus plaisant à l’œil
Les arbres à genoux se baignent
L’air est calme et plein de sommeil
La lumière s’abat
Le jour perd ses pétales
Plus haut c’est tout d’un coup la nuit
Les regards entendus
Et le clignement des étoiles
Les signes
Par-dessus les toits
(La Guitare endormie, in Plupart du temps, poèmes, 1915-1922)
Pierre Reverdy (1889-1960) Né à Narbonne, fait ses études à Toulouse, puis dans sa ville natale. En 1910, il monte à Paris et se lie d’amitié avec Picasso, Braque, Matisse, Max Jacob, Guillaume , Apollinaire, et écrit des poèmes qui seront à l’origine du Surréalisme. « La Lucarne Ovale » 1916 « Les ardoises du toit » 1918, « La Guitare endormie » 1919, « Cœur de chêne » 1922, « Les Epaves du ciel », 1924.
Pour Pierre Reverdy, la nature de l’image poétique est l’association « du plus distant » au « plus réel ».En 1917, paraît le premier numéro de sa revue « Nord-Sud »titre inspiré par la ligne de métro reliant Montmartre à Montparnasse ouverte en 1910, à laquelle collabore les poètes du dadaïsme. puis du surréalisme. En 1926, il choisit Dieu et se retire près de l’abbaye de Solesmes, il a alors 37 ans et y reste jusqu’à sa mort, à 71 ans en 1960. Là sont nés ses plus beaux recueils, tels Sources du vent, Ferraille, Le Chant des morts..
Les poèmes de Pierre Reverdy expriment avec une rare densité, le drame de l’homme aux prises avec le temps et l’écran de ses sensations.