Claude Monet - La pie - (1869) Musée d'Orsay
Par la fenêtre, le givre sur les toits annonce une nouvelle journée d'hiver, sans soleil. L'appartement, orienté Nord, ne reçoit guère de lumière. La bonne odeur de cire qui saisit à l'entrée de la pièce, atténue la sensation de froidure.
Les deux femmes assises autour de la table, soufflent sur leurs tasses de thé brûlant, leurs doigts s'imprègnent de la chaleur.
Ce rituel accompli, comme tous les jours à seize heures, la plus jeune se lève, resserre son châle autour d'elle, et d'un pas raide va laver les tasses. Un frisson la saisit quand l'eau glacée coule entre ses doigts. La plus âgée, recroquevillée dans son fauteuil, saisit sa broderie. L'aiguille traverse brusquement l'étoffe, elle pique le tissu roide à petits coups rapides.
Dans la pièce silencieuse, les deux femmes apprivoisent le froid, toutes à leur ouvrage.
Le soir tombe, il est temps d'arrêter. Le feu de la cheminée menace de s'éteindre. La plus âgée ajoute les précieuses bûches. Celles de la nuit.
Près de l'âtre, il est bon de se détendre, de laisser les corps absorber la douce chaleur. Dehors, les toits blanchissent, la température continue de descendre.
Assises, détendues, des frémissements d'aise laissent deviner leurs pensées joyeuses. Comme si le courant passait de l'une à l'autre, leurs songes se rejoignent.
Le radiateur, objet de leurs pensées, est mesuré, palpé, caressé, frotté.
- Ils viennent demain dit la plus âgée !
- Oui, demain, à huit heures, ils commencent par l'entrée !
- Et puis la cuisine, reprend la mère,
- La cuisine et ensuite la chambre, rassure sa fille
- Mais, combien de temps dure l'installation, s'inquiète la mère
- Quelques jours, ce ne sera pas très long dit sa fille.
Par la fenêtre, le givre sur les toits annonce une belle journée d'hiver.
Les deux femmes chuchotent à voix basse, leurs mains habiles travaillent vite. Déjà, le papillon brodé apparaît.
La mère se cale plus droite dans son fauteuil, pendant que sa fille lui offre le thé de seize heures. Celle-ci se lève pour laver les tasses, et prolonge le bienfait de l'eau chaude sur ses doigts.
Sa mère sourit, enlaçant sa fille, l'entraîne encore une fois vers "l'extraordinaire" radiateur.
Alice