9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador
Alberto Ruy-Sanchez
Coup de coeur pour ce roman paru aux éditions : Les Allusifs.
L'écrivain mexicain ébloui par la cité marocaine, en fait la métaphore de la
femme et du désir.
Extrait :
Elle ne lui en dit rien à ce moment-là, mais les couleurs du couchant lui rappellent l’origine lointaine de la ville, quand les îles qui la bordent ont été appelées les Purpuraires. L’histoire écrite de Mogador est en effet très ancienne. Elle remonte à plusieurs siècles avant notre ère, quand les Phéniciens, avec l’alphabet de leur invention, se sont établis dans l’île atlantique de Mogador. C’est pourquoi certains poètes disent que la ville a l’âge de l’écriture et qu’elle dessine avec ses murailles une lettre supplétive de cet alphabet originel restée, flottante, à l’horizon ou à la dérive.
C’est le port phénicien le plus éloigné de Carthage que les archéologues aient découvert en direction de l’ouest, comme en témoignent diverses très belles pièces de céramique récemment exhumées. Elles portent sur leurs flancs, écrites en caractères puniques certaines des histoires mogadoriennes que l’on peut encore entendre sur la Grand’Place, également connue comme sous le nom de place de la Conque.
C’est un coquillage littoral abondant qui a fait la fortune de la ville dans ce qui était alors le monde connu. Le Murex brandaris secrète un liquide avec lequel on colorait, avant l’invention des teintures artificielles les étoffes les plus précieuses. Les Phéniciens ont trouvé là, en sus d’un beau séjour, un colorant naturel dont la valeur était alors vingt fois supérieure à celle de l’or, comme le précise Aristote.
Pendant de nombreux siècles, seuls les empereurs ont pu revêtir la pourpre. On dit qu’un immense chapeau de cette couleur ondoyait sur la partie la plus ancienne de la muraille du port, luxe extravagant et intempestif.
Quelques siècles plus tard, les Romains ont fait circuler dans leur empire un livre dont les rares copies étaient tellement usées et avaient passé par de si nombreuses mains qu’aucune n’est parvenue jusqu’à nous. Ils l’avaient intitulé De Re Mogadoriana, ce qui peut être rendu par Des choses de Mogador.
On suppose que ce livre, également connu sous le titre de Traité de l’étonnement, a exercé une influence fondamentale sur l’œuvre de Lucius Apulée. Ce grand voyageur né en Afrique du Nord, et qui finit par s’établir à Carthage, est l’auteur de deux livres très mogadoriens, lDe la magie et, surtout, L’Ane d’or ou les métamorphoses, lesquels, soutient-on ont à leur tour influencé, un bon millier d’années plus tard, aussi bien Cervantès que Boccace. On peut donc dire qu’il y a dans l’imagination de ces dernièrs une légère poussière de Mogador.
Anciennement appelée Amogdul (la bien gardée) en Berbère, Mogdura en portugais, Mogadur en espagnol et Mogador en français, Essaouira (la bien dessinée) est une ville portuaire du Maroc sur la côte atlantique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Essaouira
Alice