L’Association PLEIN ECRAN organisait le dimanche 1er Mars 2009 une journée spécialement dédiée à Maurice Pialat avec deux projections et des rencontres avec François Bégaudeau
Sous le soleil de Satan (1987) présenté par François Bégaudeau
Palme d'or au festival de Cannes
Généralités
Pialat appelait son film « Les Soutanes » en parlant de Sous le soleil de Satan, adapté du livre de Georges Bernanos. Pialat est un cinéaste extrêmement matérialiste. Quand Menou-Segrais (Pialat) voit la vocation de Donissan (Depardieu), c’est Pialat qui voit en Depardieu un grand acteur habité. La vision parcourt le film. Donissan comprend Mouchette (Sandrine Bonnaire) sans la rencontrer.
Un autre aspect fondamental du film : tout passe par des faits concrets. Le mot force revient souvent. L’idée que porter la foi catholique, c’est la force physique. Force physique incarnée par Depardieu. Scènes ou Donissan (Depardieu) se mortifie, se flagelle, entreprend une longue marche dans la campagne, chemin initiatique, point de jonction entre le spirituel et le matériel. Scène où il porte Mouchette suicidée sur l’autel, scène de la résurrection, il élève l’enfant à bout de bras. Pialat fait des scènes qui ont une vraie consistance physique.
Analyse du film
Un premier plan se médite, car il est très important. La scène se passe en Picardie, il n’y a pas de plans de situation. Pialat commence la première scène par le milieu, entre dans le vif du .sujet ; Pialat aime l’essentiel. La première scène commence par la tonsure, Menou-Segrais coupe les cheveux de Donissan. Le prêtre occupe une position de force, Donissan avoue sa faiblesse. Pendant tout le film, c’est la dialectique de la force et de la faiblesse qui se tressent l’une à l’autre.
Le jeu : Aucun effet de voix, ce sont leurs voix et la force du texte. Les échanges d’idées sont assumés par le texte littéraire.
Mouchette est marquée par le sceau divin et le sceau satanique.
Personnage de Mouchette : scène où elle reçoit l’ostie : la chair du christ. Donissan a vu Mouchette dans sa vision. Il sait tout d’elle. Scène de leur rencontre « c’est moi » dit-elle, c’est une sorcière , elle en porte la coiffure, personnage inquiétant, qui zig-zag, créative, perdue, dialectique de l’amour haine.
Mort du marquis . Effet produit : on est dans l’aléatoire ; le monde est perdu parce qu’il est soumis à l’arbitraire, le diable ne ment pas tout le temps. Tout peut arriver : Mouchette mange une pomme, et le fusil est là. Hors champ, elle tire sur le marquis. « le vent souffle où il veut » Raccord à cette scène, lumière nuit américaine, Mouchette lave une chaussure dans la rivière. Cela rappelle la mort de Mouchette dans le film de Bresson, elle roule jusqu’à la rivière.
Scène de la rencontre avec Satan
Donissan quitte le chemin central, bifurque vers un autre , sol fraîchement labouré. Raccord, scène suivante, changement de lumière, apparition fantastique du maquignon. Piala, destructure l’espace, le temps. "J’habite nulle part" dit le diable incarné par le maquignon. Figure diabolique, tentateur, demande à Donissan de s’arrêter. La
grâce, c’est la force, la grâce, c’est la faiblesse, équilibre génial entre le spirituel et le matériel. Le fantastique, c’est l’irruption de l’étrangeté dans l’ordinaire.
Rencontre Mouchette – Donissan : « vous aimez surprendre les filles » ironise Mouchette, scène suivante, Donissan marche en avant, il essaie de la contrôler. Il lui dit « dans tes péchés, Dieu est en toi » C’est terrible pour elle. Fusion des contraires permanents, il la sauve puis elle se suicide
.Dans les moments précédents le suicide, plan de Mouchette animée par quelque chose de très fort. Raccord avec cette scène, la porte vole en éclats. Geste de Donissan de ramener le corps de Mouchette sur l’autel. Tout est chorégraphie.
Dernière scène : lumière sur Donissan, sépulcrale ou sainte ?
http://www.maurice-pialat.net/
A lire: Le dictionnaire Pialat, sous la direction d’ Antoine de Baecque,
éd. Léo Scheer, 316 p.