Je traversais le lac, car au-delà, s’élève le Royaume d’Amour, une
contrée heureuse, l’unique raison de mon voyage.
Sur la carte du Tendre, figurait ce difficile passage.
Tout le temps de cette navigation, je me sentis comme pris dans un étau, j’étouffai, mon corps et mon esprit s’effaçaient du monde tant les obstacles bousculaient mon cœur et ma raison. Maintenant, j’ai repris des forces et vous conte le récit des sources de mon mal-être.
« A la tombée du jour, on s’embarque sur le lac d’Indifférence. A distance, on distingue une île, l’île du Silence, telle est son nom, car les habitants ne se parlent plus. On contourne deux énormes rochers, appelés l’Ironie et l’Absence. L’un porte ses buissons d’épines qui griffent les audacieux, l’autre montre ses parois fuyantes.
Puis, on pénètre dans une zone dite de l’Impassibilité, la surface de l’eau n’offre aucune ride, aucun frémissement. On s’enfonce vers l’Insolente Indifférence,un ensemble d’arbres morts qui entravent notre passage.
Finalement la barque file sans bruit, sans se faire remarquer jusqu’au Seigneur des lieux, une épave sans âge, exilée ici eu égard à ses grands voyages, la barque ne peut franchir la Porte de l’Oubli car le vieux bateau majestueux occupe toute la place, tant pis, on prend un autre chemin, à droite de la lagune, nommée Hostilité, car ses fonds peu profonds menacent de nous échouer. On erre longtemps à la recherche de la terre.
Quand les rives se rapprochent enfin, l’espoir de rejoindre le Royaume d’Amour naît avec le jour. »
Consigne de Juliette pour Papier Libre,
"décrire le lac d'Indifférence" d'après le recueil de Sercy, prose (1658)