Poésie du Jeudi pour les Croqueurs de mots, thème libre proposé par Olivier de Vaux
Les bouées à odeurs
Parfois le brouillard était si intense en mer,
« C’est alors qu’on songea, puisque le sens de la vue n’était point, en ce cas, utilisable,
à faire appel au sens de l’ouïe et qu’on inventa la sirène aux lugubres et avertisseurs meuglements.
Cet appareil ne donna point les résultats qu’on attendait de lui, car si puissante que soit la sirène, sa portée à des limites assez humbles.
Autre inconvénient de la sirène, même les plus exercés marins se trompent facilement sur la direction du son. A une certaine distance, ils font des erreurs d’estime qui vont jusqu’à 90 degrés.
Alors quoi ? L a vue et l’ouïe sont, dans bien des cas, au-dessous de leur mission.
D’autre part, les sens du toucher et du goût ne sauraient, dans une question de récifs, être de la moindre utilité. Reste le sens de l’odorat.
Personne jusqu’à présent, n’a songé à employer le nez pour flairer le roc prochain.
Et je proposai à l’administration compétente de créer des bouées à odeur pour parages dangereux.
Pourquoi donc pas ?
Voyez-vous d’ici le tableau une nuit noire, épaissie d’un brouillard compact. Pas un feu sur terre, pas une étoile au ciel.
Comme musique, le sifflement du vent dans les cordages, le fracas des vagues, le cri des femmes et des enfants.
Où sont-ils les pauvres matelots ! Dieu seul le sait et peut-être n’en est-il pas bien sûr.
Tout à coup le capitaine a reniflé par N.-N.-O. un puissant relent de vieux roquefort et par S.-E. une fine odeur de verveine.
Il consulte sa carte et reconnaît sa position. Sauvés merci, mon Dieu.
Il manœuvre en conséquence, et une heure après, le navire est au port ; tout le monde, matelots et passagers, entonnent, les uns des hymnes de grâce, les autres, des grogs bien chauds.
Malheureusement, tout cela n’est qu’un rêve.
La routine, la hideuse routine est là qui veille, barrière à toute idée neuve, à tout progrès, à tout salut !
L’administration des Phares n’accusa même pas réception de son projet de smell-buoy.
- Est-il trop tard ? Interroge le Chat
- Piquant mon fard, je me hasarde à suggérer l’odeur du Gruyère (chère à la marine suisse) pour indiquer sur la côte quelques trous pouvant abriter nos navires en détresse. Enfin faisant allusion au Pourquoi-pas (réponse bateau à vos possibles interrogations ou susceptibilités) je propose de parfumer les bouées au Brie (de l’or !) ou au fromage de Hollande pour retrouver le PS (PORT SALUT)
- C’est malin !!! gloussa Absinthe.
- Eh ! Dame… Edam (faut tout vous dire !)
Petite fable express
Le châtiment de la cuisson appliqué aux imposteurs
Chaque fois que les gens découvrent son mensonge
Le châtiment lui vient, par la colère accru
« Je suis cuit, je suis cuit » gémit-il comme en songe
Moralité
Le menteur n’est jamais cru.
Citation
Les pommes de terre cuites sont tellement plus faciles à digérer que les pommes en terre cuite !
Alphonse ALLAIS (1854-1905)