Chez les Croqueurs de Mots, défi n° 65 proposé par Tricôtine
ESQUISSE
Il ne fallait pas tenir le fusain sur le fil mais bien à plat pour esquisser le modèle. J’avais les nerfs en pelote devant l’inconnu de ce matériau, qui traçait lourdement sous mes doigts malhabiles les contours du personnage central. Etonnant tableau, l’alchimie du tissu de l’artiste et de son modèle avait traversé les siècles. Ce jour-là de septembre, une chaleur torride emplissait la pièce de l’atelier, et la sueur perlait au front de nombre des participantes appliquées. Au fur et à mesure que j’avançais dans ce premier brouillon, c’était de plus en plus coton. Après les courbes des épaules et des manches, je laissai les mains de côté, me contentant d’ovales blancs. J’ajoutai les boutons de fleur sur sa robe qui ressemblèrent ô horreur à des petits dés de jeu. Impossible de former au fusain, les cercles délicats ombrés. Tandis qu’elle me dévisageait, un mince sourire aux lèvres, je pensai que cela ne lui aurait pas trop plu, elle, une femme « patron » de se voir ainsi représentée. J’espérais, qu’elle eût le sens de l’humour. Le bruit d’une scie à bois, retentit dans le silence. Je jetai un regard par la fenêtre, les verts éclataient sous le soleil. Ne désarmant pas, Je tentai de me rattraper avec le paysage en fond du tableau. De vagues aiguilles désignant une vallée boisée vinrent encadrer ma créature bizarre. Le tout était d’essayer !
Alice