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9 février 2006 4 09 /02 /février /2006 15:57

Reinaldo ARENAS     Voyage à la Havane

 

 

 

2ème extrait : Je l’ai choisi pour la  description hallucinante  de la confection des vêtements.

 

 

 

« Notre costume était époustouflant, pourtant dès cette époque il devenait difficile de trouver des articles. Mais tu savais « resquiller », tu le disais toi-même, et tu étais fichu de dégoter des pelotes de laine au bout de la terre. Pour çà, je n’ai jamais eu à me plaindre de toi. C’est la pure vérité.

……

Bon, il était formidable, le costume que nous devions exhiber ce jour-là.

Pour moi, j’ai tricoté avec des aiguilles métalliques, dont on ne voit plus l’ombre, un frac aile-de-corbeau avec ce fil anglais que tu avais échangé contre les vieilles affaires de maman ; mon sac à main, je l’ai tricoté en chanvre de Manille, et il est super une fois teint au bleu de méhylène ; je me suis confectionné aussi une casaque écarlate écarlate, assortie à mon bonnet rouge vif style coupole, tricoté au point d’araignée avec les incomparables aiguilles françaises n°6, de modèle devenu introuvable ; des gants ajourés en fil Ourson et pour envelopper le tout, un châle ressemblant au drapeau cubain, en fil de Chine et laine espagnole. Pour m’abriter du soleil (le défilé, quelle histoire de fous, avait lieu à une heure de l’après-midi), j’ai doublé mon ombrelle d’un tissu au point georgette du meilleur effet,, et pour le thermos (celui qui n’emportait pas d’eau était condamné irrémédiablement à mourir de soif), j’ai fabriqué un étui au point résille avec du fil vert caïman, ce qui lui donnait un cachet adorable. Enfin, pour compléter mon attirail, je me suis fabriqué un grand éventail au « pétale de maïs », un point délicat de mon invention.

 

 Pour toi, Ricardo, j’ai confectionné un uniforme de milicien –il fallait voir çà ! – avec l’écheveau de huit mètres acheté aux « grosses légumes, les rois de a contrebande », selon tes propres paroles. Pantalon vert olive tricoté à même ton corps, à quatre points couronnés de nœuds en forme de bourgeons à peine éclos ; grandes bottes d’un noir étincelant, avec une rosace ajourée au côté, où étaient illustrées en couleurs, avec des fils chinois, bulgares et portugais, toutes les batailles de la caserne Moncada, copiées de la couverture du dernier numéro de la revue Bohémia ; chemise bleu marine, tricotée au point nain avec des aiguilles courbes, enfin le béret vert bouteille, au double point de chaînette, surmonté d’un grand pompon effiloché d’où s’échappaient des flocons multicolores.

 

 Avec le reste de la pelote, j’ai voulu faire un grand drapeau que nous porterions à nous deux ; mais tu as refusé. J’ai protesté. Les hymnes étaient devenus intolérables, la rue grouillait de monde. Le défilé allait commencer d’une minute à l’autre. Vêtus de nos costumes uniques, nous nous sommes dirigés vers la place ».

 

Je vous invite à lire l'article précédent pour plus de détails sur l'auteur et la nouvelle.

 

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